L’homme qui lisait des livres — Rachid Benzine (Rentrée littéraire 2025)

Je vous parle aujourd’hui de L’homme qui lisait des livres de Rachid Benzine, un court roman qui évoque la Palestine et la puissance des mots pour survivre au chaos. Entre Gaza et les grandes voix littéraires, ce texte interroge la mémoire, la dignité et notre rapport à la fiction quand elle s’empare des drames humanitaires. Je vous partage ici mes réflexions, mes réserves, et pourquoi ce livre mérite qu’on le lise.

En arrière-plan, le mot Palestine, et au premier plan, la couverture du livre de Rachid Benzine, L'homme qui lisait des livres
Vie d’un libraire palestinien

Service Presse

Comment débute le livre ?

À Gaza, un jeune photographe français, Julien Desmanges, sort de l’hôtel international où il réside et marche dans les rues. Il décrit l’un des quartiers martyrisés, façades éclatées et éventrées, fenêtres aveugles, trous béants, gravats, voitures brûlées. Arrivé dans un secteur moins touché, il découvre un homme d’une soixantaine d’années qui lit devant sa librairie. Il s’apprête à le prendre en photo quand le libraire sourit et l’invite à boire un thé en sa compagnie.

Le vieil homme lui explique alors qu’il n’aime pas l’idée de capturer un instant d’une existence sans connaître ce qu’il y a derrière. Julien et Nabil Al Jaber se rencontrent régulièrement et c’est la vie d’un Palestinien qui se déroule devant nous.

Qu’en ai-je pensé ?

Fiction et désastre

Bien sûr que ce roman m’a touchée, mais pas autant qu’Apeirogon de Colum McCann. Je ressens en effet quelque chose d’artificiel et d’indécent quand je lis une fiction sur des victimes de désastres humanitaires. Peut-être ai-je peur d’être manipulée ? Et, dans une certaine mesure, n’est-ce pas ce qu’essaie de faire la littérature engagée ? Mais Rachid Benzine répond partiellement à cette question.

Il évoque d’abord le livre d’André Malraux, La condition humaine. Le roman se déroule en 1927, à Shanghai, en Chine, en pleine insurrection communiste ; il interroge ce que signifie être humain dans un monde marqué par la violence, la révolte et la mort. Et cela correspond tout à fait à la Palestine, et au récit, traversé par les choix des uns et des autres, lutte armée, fuite ou résignation. Nabil prête le livre à Julien, mais, hélas, nous n’en entendrons plus parler.

Littérature et désastre

J’ai trouvé dommage qu’il n’y ait pas eu plus de dialogues entre le photographe et le libraire sur La condition humaine, ne serait-ce que parce que ce livre justifie l’écriture de fiction sur les désastres humanitaires. Ils permettent de mieux comprendre ce que les chiffres nous disent sans susciter l’émotion.

Nabil Al Jaber évoque aussi Victor Hugo, le poète palestinien, Mahmoud Darwich, (1941-2008), le poète persan Omar Kayyâm (1048 ? — 1131 ?) et bien d’autres encore. Mais revenons à l’histoire du libraire.

Il n’y a pas de haine dans son discours, il voit la vie comme un chaos, dont personne ne sait très bien qui est le responsable :

« Une soixantaine d’habitants a ainsi été massacrée. Surtout des hommes, mais aussi quelques femmes et enfants. Pour venger des juifs tués par des Arabes à la raffinerie de pétrole, paraît-il. Des Arabes qui eux-mêmes avaient été victimes des juifs de l’Irgoun. Cette terre est une litanie de représailles sur représailles, de haines empilées, de tristesse recouverte de tristesse. »

Envie de le lire ?

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Quels sont les thèmes ?

  • Palestine
  • Guerre
  • Résistance par la littérature
  • Victimes de guerre
  • Devoir de mémoire
  • Transmission

Qui sont les personnages ?

Le journaliste, Julien Desmanges, n’est qu’un passeur d’histoires. Il est photographe et nous n’en saurons pas plus. Les autres personnages sont surtout présentés comme des victimes, sans aucun côté sombre qui aurait pu les humaniser et cela n’aurait rien enlevé à leurs statuts de victimes qui souffrent de la guerre. Pourquoi ce désir d’héroïser les opprimées, comme si ça ne suffisait pas ?

Nabil Al Jaber
Il est né d’un père chrétien et d’une mère musulmane. Bien qu’il ait grandi dans les camps, il a eu plus de chances que d’autres. Mais, curieusement, il s’est à peine posé la question de son engagement, pourtant au centre du livre d’André Malraux. C’est une des limites du roman.

Safa Zahalka et Elias Al Jaber, les parents de Nabil
Après les exactions commises dans leur village, ils sont contraints de rejoindre un camp de réfugiés. Ils font tout pour que leurs enfants aient une vie meilleure, mais est-ce seulement possible ?

Comment est-ce écrit ?

L’écriture de Rachid Benzine est fluide et dépouillée, ce qui contraste avec les horreurs décrites.

Incipit :

« Journée ordinaire. Hier, deux frappes ont tué quatre gamins dont le seul crime avait été de jouer au foot sur la plage. »

Citation :

« Le fossé s’était creusé entre nous. Tous avaient été avalés par la lutte armée, le combat suicidaire. Les vagues d’attentat suivies de répressions. »

Mon avis en résumé

J’ai aimé L’homme qui lisait des livres pour les réflexions qu’il induit. C’est une lecture qui a ses limites, certes, mais elle entre dans la catégorie des incontournables qu’on se doit de lire pour ne pas oublier. Et Nabil Al Jaber m’a émue et il ne quittera pas ma mémoire facilement.

Ce que j’ai aimé

  • L’écriture
  • L’histoire de Nabil
  • Le rôle de la littérature

Ce que j’ai regretté (mais peut-être pas vous)

  • Personnages pas assez creusés
  • Pas de dialogue entre le libraire et le photographe sur les livres mentionnés

Mes notes

5,0/5
Personnages 3,0/5
Intrigue 5,0/5
Écriture 5,0/5
Moyenne 4,5/5
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Un des meilleurs livres de l’année

Lecture un peu exigeante

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Pour prolonger la lecture sur le chaos et les choix difficiles

Des millions de personnes vivent, ont vécu, sont morts dans les camps. D’autres ont dû s’exiler. Et ça ne s’arrête jamais. Je vous suggère ces deux autres livres pour comprendre :

Sous le sol de coton noir
Paul Duke

En arrière plan, arbre mort sur un sol désertique, au premier plan, couverture du livre de Paul Duke, Sous le sol de coton noir
Les ONG apportent une réponse concrète aux maux de populations vulnérables…

Je me souviens de Falloujah
Feurat Alani

A l'arrière-plan, un pont. Au premier plan, la couverture du livre de Feurat Alani, Je me souviens de Falloujah.
Les histoires de Rami et d’Euphrate se répondent, se rapprochent, s’éloignent.

Info-livre : L’homme qui lisait des livres par Rachid Benzine

Couverture du livre de Rachid Benzine, L'homme qui lisait des livres

Éditeur : Julliard
ISBN : 978-2-260-05686-7
Pages : 128
Date de parution : 21/08/2025

Photo de Catherine Perrin

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